Il s’agit d’une petite expérimentation en vide-grenier inspirée des pratiques de « participation consciente » (cf. Université du Nous : http://universite-du-nous.org/a-propos-udn/son-modele-economique/).
Concrètement, voici les règles que je me suis fixées pour la journée :
- Ne jamais donner de prix, pas même un ordre de grandeur
- Accepter la vente, quel que soit le prix que l’on me propose
- Essayer dans la mesure du possible d’expliquer au mieux ma démarche
Voici un petit bilan.
Les réactions
Pour une petite minorité de personnes, ça ne pose pas du tout de problème. Ils sourient et donnent un prix, très naturellement.
Pour une autre très petite minorité, c’est rédhibitoire. Deux fois, les personnes ont préféré partir plutôt que de se risquer à donner un prix.
Dans la très très grande majorité des cas, les personnes sont surprises, plus ou moins mal à l’aise, mais finissent quand même par donner un prix. A chaque fois que j’ai eu le temps d’expliquer un peu d’où venait cette idée un peu bizarre, le malaise laissait place à un réel intérêt, des sourires, voir des encouragements.
Cela m’a vraiment fait penser à la courbe de l’innovation de Rogers…
Avoir confiance dans l’humanité 🙂
J’ai eu vraiment beaucoup de fois ce type d’échange quand j’expliquais aux personnes le principe et que j’accepterai leur prix, quel qu’il soit :
« Il ne faut pas faire ça ! Vous allez vous faire avoir ! Vous savez, il y a des gens qui vont en profiter… »
« Est-ce que vous, vous allez en profiter ? »
« Oh non, pas moi ! Mais il y en a qui sont comme ça, vous allez voir ! »
« Peut-être… Mais c’est une expérimentation, j’ai fixé les règles et je vais m’y tenir, on verra bien à la fin de la journée. »
Au final… Non, je ne me suis pas « fait avoir ». Certaines personnes ont donné des prix en dessous de ce que j’aurais proposé. D’autres des prix au-dessus.
Il y a eu une seule fois où j’ai eu un doute sur le système : en tout début de journée, une dame à rempli un grand sac avec plein de trucs pour 2 euros. L’expérience était sur moi aussi, car ça a vraiment été difficile de sourire et d’accepter sa proposition sans laisser rien paraître. Mais je pense avoir réussi. Ma première pensée a été : « quand même… elle exagère ! ». Depuis j’ai réfléchi : qui suis-je pour la juger ? Peut-être qu’elle a peu de moyens que si elle avait dû payer le prix que d’autres mettent, elle n’aurait tout simplement rien acheté. C’était essentiellement des jeux et livres pour enfants et elle avait un petit dans une poussette. C’est donc parfait si les objets dont je n’ai plus l’usage peuvent servir, à un prix qui lui convenait.
Je pense vraiment que personne n’a « abusé » du système. Par contre, une majorité des personnes étaient persuadées que les autres le feraient… C’est intéressant, n’est-ce pas ?
La valeur et le besoin
Plusieurs fois, j’ai eu la réaction suivante : confrontés à la nécessité d’évaluer la valeur de l’objet, les personnes renonçaient en disant : « non, je n’en n’ai pas vraiment besoin » ou « finalement non, ça va m’encombrer plus qu’autre-chose ».
Je pense que ces personnes auraient acheté pour acheter si j’avais donné un prix symbolique (comme ça se fait souvent en vide-grenier). Pour 1 euros… quelle importance si ça ne me sert pas finalement ? Mais en devant fixer eux-même le prix, ils se posent aussi naturellement la question de leur besoin réel.
Même si dans ces cas-là j’étais un peu déçue de ne pas voir les objets partir (car un vide-grenier ça sert bien à ça : vider le grenier ^^), j’ai trouvé cette réflexion sur la valeur et le besoin réel plutôt saine.
Et les premiers « intéressés » ?
Je n’ai pas de pression particulière sur le « chiffre » de la journée, comme je le disais le but premier est de vider le grenier.
Mais chez nous, une partie des « bénéfices » que nous faisons sur le vide-grenier annuel où nous vendons constitue aussi le seul argent de poche des enfants. C’est un mécanisme que nous avons mis en place depuis qu’ils sont tout petits pour favoriser le renouvellement du stock de jeux : il faut qu’ils acceptent de se séparer de ceux dont ils ne se servent plus pour avoir un peu d’argent de poche et peut-être s’offrir d’autres jeux (qu’ils achètent aussi pour la plupart aussi en vide-grenier). Pour le coup on est souvent perdants (nous vendons des jouets en bon état et des fois ils nous ramènent des trucs payes deux fois plus cher à moitié cassés…) mais ce n’est pas bien grave. Ça les motive à faire du tri et ils adorent faire leurs achats.
Tout ça pour dire que je n’étais pas certaine de ce que les enfants (étant les premiers intéressés par le bénéfice de la journée) penseraient de tout ça. Mais je m’inquiétais pour rien… ça ne les a même pas fait tiquer ! Rien du tout. Ce mécanisme de vente ou un autre… aucun a priori de leur côté 🙂
Bilan
Au final, j’ai fait une très bonne journée.
Je pense que j’ai plus vendu que d’habitude. Devoir fixer un prix a découragé une poignée de personnes mais plus souvent ça les a plutôt incités à regarder plus attentivement ce qu’il y avait d’autre sur le stand : puisqu’ils allaient donner un prix, autant regarder ce qui pouvait les intéresser d’autre et proposer un prix global !
Entre ceux qui proposaient moins que ce que j’aurais dit et ceux qui proposaient plus, je pense avoir été globalement un peu « gagnante » mais c’est difficile à estimer. Il faut dire que j’ai l’habitude de vraiment beaucoup brader en vide-grenier, je veux surtout que ça parte.
Je garde le plus important pour la fin : ce mode de fonctionnement a été générateur de discussions, j’ai beaucoup plus échangé avec les gens que les autres années. Ma journée a été remplie de sourires et de bienveillance, c’était vraiment très agréable ^^
C’est décidé… L’année prochaine je recommence ! Et qui sait… Peut-être que je ne serai plus la seule ? Car à un moment j’ai entendu une jeune fille répéter avec beaucoup d’enthousiasme mes explications sur la participation consciente et les achats conscients à une de ses copines en montrant mon stand du doigt… Et là je me suis dit : j’ai VRAIMENT gagné ma journée 🙂