Dans une logique d’évolution vers le minimalisme et le zéro déchet, j’essaye d’appliquer la méthode BISOU à chacun de mes achats.
Qu’est-ce que la méthode BISOU ?
C’est très simple. Avant chaque achat, je me pose les 5 questions de l’acronyme « BISOU ». Voici de manière synthétique et visuelle la signification des 5 lettres et la manière dont je les interprète en 5 questions simples.

Je pense que vous avez compris le principe. Si on répond « oui » à toutes les questions, l’achat est justifié. Sinon c’est que ça peut attendre, le besoin n’est pas réel, je peux trouver une alternative (moins impactante écologiquement que la fabrication d’un nouveau produit) ou je vais essayer de trouver une alternative d’achat plus en accord avec mes valeurs et principes.
Forcément, ce n’est pas du 100%, et je fais parfois des entorses… que mes enfants sont les premiers à me reprocher d’ailleurs « Maman, tu es sûre que c’est vraiment BISOU ça ? »
La décision finale m’appartient. Mais au moins, j’ai un moyen simple de challenger mes choix et d’échanger avec ma famille pour expliquer et les impliquer dans la démarche pour réduire notre empreinte écologique, ensemble.
Pourquoi en parler ici ?
C’est bien gentil tout ça, mais quel rapport avec la thématique de ce blog ?
La recherche de la valeur et de la simplicité ! N’est-ce pas au coeur de toute démarche Lean / Agile ?
Rappelons les 7 muda du lean : surproduction, attentes, transport, étapes inutiles, stocks, mouvements inutiles, corrections / retouches
- surproduction : c’est tout l’intérêt de la démarche, éviter la production d’objets inutiles
- attentes : acheter juste à temps
- transport : en achetant uniquement ce dont j’ai besoin et au moment où j’en ai besoin, je minimise les « sorties shopping ». Ceci dit sur ce point il faut aussi trouver un compromis car si j’attends toujours le tout dernier moment pour tout j’irai faire des courses tous les jours. J’ai finalement opté pour « le jour des achats » dans la semaine. Je peux planifier ce dont j’aurai besoin pour la semaine (avec une liste des repas/recettes). Pour les achats non-alimentaires, sauf grosse urgence ça peut attendre le prochain jour des courses… ce qui laisse en général un peu de temps pour bien se poser les 5 questions BISOU 🙂
- étapes inutiles, mouvements inutiles : limiter le nombre d’objets dans mon quotidien limite aussi tout le travail pour les ranger, les entretenir… ça simplifie la vie quotidienne !
- stocks : ça me paraît évident 🙂 Il y a toujours un peu de stock, dans mon cas et après expérimentation je trouve que l’échéance d’une semaine est très bien. Evidemment, c’est assez incompatible avec les achats de masse aux périodes de promotion… mais je pense que globalement en évitant d’acheter des choses qui ne serviront pas on économise plus qu’en achetant moins cher des produits qui risquent de ne pas servir.
- corrections / retouches : après avoir expérimenté ce mode d’achat depuis quelques années, je constate que je réfléchis beaucoup plus chaque achat en privilégiant la polyvalence et la qualité. Je veux des objets qui peuvent me servir le plus possible et tenir dans le temps (et ainsi éviteront d’autres achats).
Regardons maintenant du côté du manifeste agile. Là pour le coup, c’est encore plus simple, c’est écrit noir sur blanc dans les principes du manifeste :
La simplicité – c’est-à-dire l’art de minimiser la quantité de travail inutile – est essentielle.
Bien sûr, il y a toujours des exceptions. Je n’applique pas cette méthode bêtement et systématiquement, il y a toujours un contexte. Mais elle m’aide (comme pour toute méthode) :
- à identifier les exceptions, les cas où on voudrait faire une entorse à la règle
- à challenger ces exceptions : qu’est-ce qui est si important pour moi que cela justifierait de ne pas respecter cette méthode ? Est-ce en accord avec mes valeurs et principes ? Est-ce plus important que les valeurs et principes que j’essaye de promouvoir avec cette méthode ?
Donc si une exception est faite, elle est faite en conscience, j’ai pris le temps de me poser les questions et d’identifier l’argument qui serait plus important que les principes à la base de cette méthode.
Est-ce que c’est simple ? Non.
En théorie oui. En pratique, pas du tout.
Et là aussi, ça me rappelle beaucoup les tensions liées aux évolutions agiles des organisations. Nous comprenons le principe, nous l’approuvons, mais quand il s’agit de l’appliquer entièrement c’est tout de suite plus compliqué et on se retrouve avec ce verbatim caractéristique : « oui mais dans mon contexte, c’est particulier, on ne peut pas… » Pourtant les principes ne devraient pas s’appliquer uniquement quand ça nous arrange ou quand ça nous semble facile. Tout cela est systémique, nos pratiques influencent le contexte et réciproquement… alors agissons sur nos pratiques puisque c’est la seule chose sur laquelle nous avons vraiment la main !
Bref. C’est pareil pour la méthode BISOU. « Oui, mais c’est Noël, on peut bien se faire plaisir ! » Oui et non. Peut-être. Peut-être est-ce un argument valable pour faire une exception. Et peut-être qu’en y réfléchissant un peu, je peux trouver des moyens de faire plaisir sans passer par l’achat de produits manufacturés. Peut-être aussi que je peux rechercher des artisans de proximité pour faire plaisir à mes proches avec des cadeaux de qualité tout en soutenant l’activité de femmes et hommes de talent.
C’est à ça que servent ces questions : challenger le besoin, et si le besoin est confirmé trouver la meilleure option pour la planète.
Et si nous allions plus loin ?
Je travaille dans un environnement où on produit du software. Ce n’est pas vraiment un produit physique, mais il n’en a pas moins un impact écologique significatif, notamment en terme de consommation des data center, du réseau, des terminaux…
De plus, j’ai l’impression d’avoir toujours été dans des organisations qui se plaignaient d’avoir trop à faire pour pas assez de moyens : il faut livrer toujours plus, toujours plus vite, avec moins de personnes !
Et si… et si on faisait moins, mais mieux ?
Et si, avant chaque lancement de nouveau produit, on se posait les questions :
Besoin : est-ce que le besoin auquel répond ce produit/service a été prouvé ? Sur la base de quels éléments factuels ?
Immédiat : est-ce que ce besoin est immédiat (ou à l’horizon du temps qu’il nous faudra pour créer le produit/service) ?
Semblable : est-ce qu’il n’existe pas déjà un produit/service semblable qui réponde déjà au besoin ? (même chez la concurrence)
Origine : est-ce que je suis capable de réaliser ce produit/service dans de bonnes conditions pour l’ensemble des personnes impliquées (y compris sur toutes la chaîne des fournisseurs ) et avec de bons matériaux (éthiques et écologiques)
Utile : ce produit/service sera-t-il vraiment utile ? Comment faisaient les clients avant pour s’en passer ?
J’imagine que vous vous dites qu’il n’y a pas beaucoup de produits que nous réalisons qui passent ce filtre. L’idée n’est pas de tout arrêter. Mais de challenger, se poser des questions. Prioriser aussi en fonction de l’axe écologique, pas uniquement économique. Essayer de faire moins, mais mieux.
Est-ce que nous aurions moins de travail ? Est-ce que nous nous retrouverions toutes et tous au chômage ? Je ne sais pas. D’une part, faire un produit ou un service de haute qualité prend du temps, exige (et valorise) l’expertise. D’autre part, je suis persuadée que le problème n’a jamais été la répartition du travail, mais la répartition des richesses. La question devrait donc plutôt être : est-ce que nous produirions moins de valeur ? Moins d’output, certainement. Mais peut-être plus d’outcome.
Et pour finir, certes le modèle économique associant croissance et réussite est notre réalité aujourd’hui. Mais c’est en train de changer.
Sur ce dernier point, regardez cette vidéo, vraiment. Julia Faure l’explique tellement bien… merci à elle.
Julia Faure TEDxUniversitedeTours : Redéfinir la réussite des entreprises
Je ne suis pas patron/directeur/chef, qu’est-ce que je peux y faire ?
C’est vrai, individuellement, nous avons peu de pouvoir, que ce soit en tant que salarié ou en tant que consommateur.
Mais imaginons que tout le monde applique la méthode BISOU pour ses achats. Imaginons que tous les salariés des entreprises commencent à questionner, à toutes les occasions possibles, la valeur réelle de leur production. Que cette préoccupation deviennent omniprésente, de la production à l’achat. Là je pense qu’il y aurait un changement !
Je ne peux pas changer les autres, je ne peux qu’essayer de m’appliquer à moi-même ce en quoi je crois, « être le changement que je veux voir dans le monde » comme disait Ghandi. Car on ne peut pas rester neutre, l’inaction est un choix et a des impacts.

(Pour voir plein d’autres excuses que nous aimerions tellement ne pas avoir à donner : https://sorrychildren.com/fr)
Et vous, quelle sera votre prochaine action ? Le prochain petit pas actionnable dès demain ? 🙂
Très juste, c’est intelligent et très différent de l’habitude.
Ce texte me fait penser à un intervenant de « social dilemma » qui pose des questions éthiques liées à GMAIL, il envoie la question, s’ensuit toute une effervescence puis plus rien.
La bonne réflexion est posée à mon gout, espérons que le poids des habitudes pourra être bousculé par la force de nos réflexions sans s’écrouler.
À suivre
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